Découverte – Les tendances à la con venues du Nord

 

Bientôt, l’hiver va arriver. C’est une période compliquée pour les magazines féminins qui savent que la période des fêtes se solde par une consommation excessive doublée de craquages nerveux en tous genres. Pas le meilleur contexte pour vendre des régimes assurant un corps acceptable pour se pointer à la plage. D’autant que d’ici l’été prochain, on sera peut être tous morts.

Mais qu’importe ! En hiver, magazines et influenceurs nous vendent de la déco et du style de vie. Depuis quelques années, tout ce qui vient d’outre-Mer-du-Nord a le vent en poupe. Ça a commencé avec du design, des magasins Ikea et des jeans trop serrés. Puis soudain, il a suffit de dire trois fois “Abba” devant un miroir pour se voir submergé(e) par un tas de “recettes du bonheur”, trouvées dans ces pays qui possèdent la particularité d’apparaître très haut à la fois dans le classement des pays les plus heureux, ainsi que des statistiques du nombre de suicides. Parce qu’on ne veut pas vous laisser dans l’embarras au cas où vous seriez tenté de les caler dans une partie de Scrabble, voici un petit guide pour survivre aux tendances à la con venues du Nord.

 

Chapitre 1 – Les exemples

Le Hygge, méthode danoise du bonheur, approuvée par la Petite Sirène

Près de QUATRE MILLIONS de résultats sur Instagram, sans qu’on ne comprenne ce que c’est. Brillant.

 

Vous ne savez toujours pas comment le prononcer, et pourtant, ce mot est entré dans votre quotidien comme Facebook dans vos données personnelles. Votre pote Clothilde vous a offert un abonnement à la Hygge box pour votre anniversaire, et ça fait trois mois que vous recevez des paires de chaussettes et des bougies parfumées. Comme votre frère a vu l’emballage de ladite box dans votre poubelle, il s’est dit que c’était un bon plan et vous a offert un stage ou un bouquin sur le même thème. Vous voilà soudain propulsé(e) “expert(e) en hygge”, alors que le seul truc danois chez vous sont les Lego de vos gosses. Et que vous prononcez ça “Hilguegue”. Comme le nom de l’extraterrestre dans Salut les Musclés.
Popularisé par des blogueuses mode de plus ou moins grande envergure, ce mot intraduisible est pourtant traduit par “cosy” en français. Attention, il y a un piège.

 

Le Lagom, technique suédoise pour être bien dans sa vie

Un jour, dans une librairie, vous avez vu quatre bouquins porter ce nom. Quatre bouquins distincts, de quatre auteures différentes (respectivement française, anglaise, américaine et américaine d’origine suédoise). Ils avaient tous une couverture dans les tons bleus et jaune, comme Ikea, mais pastel, pour faire subtil et esthétique.

 


Quelques résultats de recherche a la Fnac. Y’a meme un bouquin de cuisine et UN BULLET JOURNAL ! #HorreurMalheur

 

Le truc, c’est que votre pote qui a fait Erasmus à Stockholm était avec vous, et a littéralement changé de couleur en voyant lesdits bouquins. Vociférant à la population du magasin entier que “C’EST N’IMPORTE QUOI MAIS QUELLE CONNERIE BORDEL DE BITE DE TROLL”, il/elle a foutu le rayonnage en l’air avant de partir se réfugier dans l’alcool.

Pas très Suédois, pensez-vous ? Que nenni ! Un bon Scandinave est un Scandinave pompette. Au dessus d’un verre, votre pote n’a évidemment pas pu résister à l’envie de vous éduquer, histoire que vous au moins, ne sombriez pas dans le vortex de cette mode à la con. Sachez donc que “lagom” (prononcé “la gomme”, comme le truc sale dans la trousse de votre nièce) est effectivement un mot qui n’existe qu’en suédois. Il signifie, en gros “ni trop, ni trop peu”.

Pas “parfait”, car non seulement la nuance est importante car les Suédois aiment bien se plaindre, mais surtout, “lagom” constitue un jugement terriblement subjectif. Ce qui peut être une source de stress terrible pour les Suédois qui utilisent donc ce mot pour les trucs les plus bateau. Un exemple :
La question est simple : “Tu veux du sucre dans ton café ?”
La réponse “Oui, lagom” peut vouloir dire “je tiens à devenir diabétique avant la fin de la journée” comme “un quart de demi-sucre s’il te plaît”.
Tu parles d’un exemple pour un bon équilibre de vie.

Certains interprètent aussi le Lagom comme le rempart face à la société de consommation et au capitalisme effréné, dans le respect de la nature et des vêtements de récupération qui sentent bizarre. Quiconque imagine ça n’a jamais vu une famille de Suédois, toutes générations confondues, se jeter sur les immenses étagères à bonbons en vrac qu’on trouve dans la première station service venue.
C’est aussi bien trouvé que de vendre un concept anti-surconsommation en invitant à le célébrer via une bonne trentaine de produits dérivés. A se demander comment ils n’ont pas encore reçu le Nobel d’Économie.

 

Le Còsagach, l’art de vivre écossais, même s’il y a un doute

Vaine tentative de l’office de tourisme d’Ecosse pour rappeler que “Hého, nous aussi on est au Nord et on a des mots bizarres et intraduisibles qu’on pourrait nonobstant traduire par cosy”, le còsagach se base sur les chaussettes, les bougies et le grog au whisky. Après une floppée d’articles de presse féminine essayant désespérément de comprendre en quoi il était différent du Hygge, le còsagach a finalement disparu aussi vite qu’il était venu. On peut également remercier les Gaels (réels locuteurs du gaélique écossais) et leur perplexité non feinte, lorsqu’ils ont déclaré que pour eux, “Còsagach” décrit surtout un lieu “humide, mousseux et plein de trous et de recoins”.

Comme quoi, les Ecossais ne devraient pas trop forcer leurs envies de marketing, d’autant qu’on se doute bien que la recette de leur bonheur, outre se balader les couilles à l’air sous leur kilt, c’est de balancer des troncs d’arbre à mains nues, de préférence dans la margoulette du premier Anglais qui passe.

 

La base du bonheur, c’est surtout d’avoir de bons copains


 

Si l’on procède à une étude de cas en profondeur, on se rend compte que toutes ces recettes du bonheur reposent environ sur les mêmes ingrédients. Essayons donc de voir ce qui nous est recommandé pêle-mêle par les papesses du genre, et d’en trouver la véritable origine.

 

Chapitre 2 – Mais pourquoi ?

 

  • Les grosses chaussettes. Essayez d’entrer dans une maison suédoise avec des bottes pleines de neige fondue histoire de tout saloper. Tout le monde se balade en chaussettes parce que les pompes restent à l’entrée ; pensez-y si vous êtes invité chez une “vraie” famille scandinave, ce serait bien de ne pas débarquer avec des chaussettes dépareillées/trouées.

 

  • La boisson chaude. Que vous porterez gracieusement à vos lèvres en regardant l’horizon d’un air songeur. Sans vous brûler la langue, en renverser partout ou abîmer le dessin de cœur formé dans la mousse du cappuccino ou du chocolat chaud. Sauf si vous êtes une personne normale, et que vous avez tendance à finir une tasse en 3 gorgées.

 

  • Les bougies partout. En hiver, le temps d’ensoleillement est réduit là haut dans le nord. Le truc, c’est que pour ne pas foutre le feu à la maison à la première occasion, les bougies sont aussi électriques. Ca permet de les faire porter en couronne par des enfants à l‘occasion de la Sainte Lucie, fête de la lumière à l’occasion de laquelle on se pète le nez au vin chaud et le bide aux brioches dès 7h du mat’, le tout devant les églises. POURQUOI ON NE PARLE PAS DU VIN CHAUD DANS CES PUTAINS DE BOUQUINS ? Lui aussi a un nom qu’on ne traduit pas en français. Glögg. C’est joli en plus.

 

  • La bouffe dite “réconfort”. Mais on ne parle pas de raclette, de haggis, de surströmming ou de boulettes de viande. Dans ce type de “tendances”, la bouffe est sucrée, en petites proportions, façon “contrôle-toi quand tu te lâches”. Des gâteaux, des biscuits, des friandises, des muffins, des cupcakes colorés et instagramables, histoire de bourrer leurs consommatrices de sucre pour mieux leur vendre des régimes à l’approche de l’été. C’est l’Histoire de la Vie, le cycle éternel. Ils sont balèses hein ?

 

  • Se relaxer chez soi en étant entouré de gens qu’on aime. Encore une fois, l’hiver est rude là haut, et on n’a pas forcément la foi pour enfiler 18 couches de fringues, chaussettes comprises, pour aller boire une bière dans un bar de centre-ville. Alors on se retrouve quand même, mais chez soi. Du moins si on est organisé et qu’on a pensé à aller chercher à boire dans les magasins d’état, seuls habilités à vendre de l’alcool. Certes, ça demande une discipline, d’autant que lesdits magasins sont très créatifs en termes d’horaires d’ouverture. Mais un coup d’oeil au menu du premier bar venu vous fera développer des capacités insoupçonnées d’organisation. C’est cher. Et quand on a pas de sous, on a du temps.

 

Notons donc essentiellement que ces tendances essaient de faire passer les mécanismes de survie dans des pays où il fait froid, nuit à 14h et où les gens ne se parlent pas pour l’idéal du cocooning comme style de vie. C’est un peu magique et ça fonctionne avec tout.

Permettez donc une légère digression à propos du “soyons entourés de gens qu’on aime”, plutôt des amis cools, à priori. Sans vouloir être désagréable, NOUS, EN FRÔNCE, on a déjà ça, ça s’appelle l’apéro, avec ou sans chaussettes. On est aussi capables de rester en terrasse entre novembre et février, le tout grâce à des parasols chauffants qui polluent comme un Paris-Marseille en Hummer. Le terrassing, ce style de vie insoupçonné. En plus, c’est Charlie.
Fin de digression.

 

Chapitre 3 – Les alternatives à creuser

 

Pour ne pas continuellement tourner en rond, pourquoi ne pas s’inspirer du quotidien des Islandais ? Après tout, que ce soit en termes de langage, d’isolation et de culture, ce sont un peu eux les plus proches des Vikings, les plus authentiques des Scandinaves. Le tout doublé des lois les plus pro-actives sur l’égalité hommes/femmes, une certaine détestation des banques et une équipe de foot qui a réussi à faire beugler autre chose que Seven Nation Army dans les stades le temps d’un Euro. Ça se respecte. Et eux alors, que font-ils ?

  • Ils bouffent du requin faisandé puis séché plein d’acide urique

 

Appétissant, non ? Et c’est pas fini

 

Un peuple plein d’avenir, assurément.

 

La découverte du Kalsarikännit

Il ne faut jamais sous-estimer les Finlandais, ni oublier qu’ils sont fous à lier et néanmoins remarquablement créatifs. Un peuple qui invente la course de porté de femme, le football dans la boue, qui accueille chaque année les championnats du monde de air-guitar ou qui gagne l’Eurovision une seule fois dans son histoire avec un groupe de hard-rock déguisé en monstres devrait être une inspiration universelle.

Les autres tendances sortant comme par magie de mots n’existant que dans leur langage d’origine, pourquoi ne pas lancer la mode du KALSARIKÄNNIT ?
Ce mot, n’existant qu’en finnois, désigne le fait de passer la journée à picoler chez soi, en sous-vêtements et (important à préciser), sans la moindre intention de faire autre chose.

 

Ouaip. Y’a même des emojis

 

Ce type de cocooning a plusieurs avantages :

  • Vous serez de bonne humeur
  • Vous ne serez pas en état de faire des photos ultrafiltrées pour les coller sur instagram, vous ne ferez donc pas chier le monde pour nous vendre un bouquin ou une technique pour se sentir mieux dans sa vie et son transit.

Pour entretenir cet état de bonheur personnel, on vous conseille aussi de chercher ces mots sur YouTube pour un divertissement immédiat :

Keppareiden (épreuves équestres garanties sans crottin)

 

Et dire qu’il y en a encore qui se la pètent parce qu’ils jouent au Quidditch

 

Kännykänheitto (championnats de lancer de téléphone portable),

Suopotkupallon (littéralement “football des tourbières »),

Et Eukonkanto, soit une course de porter-de-femme où l’on retrouve une dimension sportive, mais aussi des notes artistiques :

 

 

Le “Fuck Peta & Sea Sheperd” des Îles Féroé (végétariens s’abstenir)

“Venez, on réunit deux tiers des habitants de l’île et on découpe tous ensemble les baleines pêchées la veille. Comme tous les ans depuis au moins huit siècles. Pour les 7 locaux qui sortent parfois de l’archipel (dont 4 musiciens), ça se soldera par des appels au boycott et des insultes. Auxquels on répondra par des discours sur le fait que la viande vient des animaux, et des concerts tous complets en réaction à la tentative de censure.”

 

Qui a invité Stanley Kubrick au pique-nique ?

 

Certes, la viande est considérée comme toxique et les images du grindadráp choquent régulièrement les opinions publiques en dehors des îles. Mais notons tout de même que, ne sachant pas placer les Féroé sur une carte, l’auteure de ces lignes se gardera bien de toute opinion sur le sujet.

 

Tout ça pour dire que quitte à donner dans l’appropriation culturelle nordique, autant rechercher l’héritage vraiment viking : bagarre, bouffe grasse et gnôle. Bref. Ce ne sont que quelques exemples, mais voilà qui devrait occuper l’hiver. A l’arrivée du printemps/été, on s’adaptera aux tendances venues du Sud avec le Bogan Lifestyle, ou la recette du bonheur des beaufs australiens à base de tongs, de marcel tâché, d’hygiène dentaire contestable et de casier judiciaire aussi chargé que le taux d’alcoolémie.

3 réflexions au sujet de « Découverte – Les tendances à la con venues du Nord »

    1. Parce que pour le coup, ils en font la promotion eux-mêmes, comme des grands, ou via le bouche à oreille, ce qui est clairement moins relou, et on les en remercie grandement.
      (Aussi : c’est pas très très au nord, n’en déplaise aux Bataves et aux Roubaisiens)

Laisser un commentaire