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Sport d’ailleurs – épisode 1 : le calcio storico

Netflix propose depuis quelques temps une mini-série documentaire sur les « sports d’ailleurs ». Je déteste le sport mais j’aime bien l’ailleurs et surtout, j’ai une passion pour les séries documentaires. Ne vous y trompez pas, « Sports d’ailleurs » n’est pas uniquement un voyage dans des contrées lointaines mais avant tout un voyage dans le temps et dans les profondeurs de l’âme humaine. Le premier épisode sur le « calcio storico » en est un exemple édifiant.

En 1530 à Florence, vers 14h30, la fin du déjeuner a sonné et chacun apporte son assiette à la cuisine. Tandis que les femmes font la vaisselle, les hommes vont siroter un petit expresso en terrasse pour parler République et huile d’olive. C’est alors qu’un grand avion largue sur la ville et ses habitants une rasade bien corsée de testostérone. Le calcio storico est né.

Tant que tu ne t’évanouis pas pour te réveiller plus tard dans l’ambulance, tu continues à jouer

Dans la Grande Classification de l’Univers, le calcio storico est rangé dans la catégorie « sport » car il en a toutes les caractéristiques principales : des équipes, un ballon, un terrain divisé en deux, et un temps de « jeu ». Les quatre équipes portent fièrement les couleurs des quatre quartiers de la ville : il y a les blancs, les rouges, les bleus et les verts. « Ils ne se sont pas trop fait chier », vous dites-vous sans doute. Mais vous allez voir qu’écrire les règles ne leur a pas pris beaucoup de temps non plus. L’objectif, (il a fallu en trouver un sinon le calcio storico ne rentrait pas dans la catégorie « sport » mais dans la catégorie « pratique génocidaire amateure ») est de porter un ballon rond dans l’en-but adverse pendant que ses co-équipiers « nettoient » le terrain. Le verbe « nettoyer » est très mal employé ici car, paradoxalement, cette action est très salissante. Ainsi, pendant près d’une heure, 54 hommes (27 par équipe) vont se mettre sur la gueule sans retenue et sans l’intervention de la police. Quand on tombe par inadvertance sur un match de calcio en tapant dans Google « tibia en angle droit » ou « boucherie italienne », on pense tout d’abord que les images ont été tournées dans la cour d’une prison. Loin s’en faut ! Il s’agit en fait d’une tradition florentine ancestrale, perpétuée sous le regard bienveillant des autorités et de la population dans l’enceinte même de la cité qui a vu naitre Michel-Ange.

Les hommes musclés et couverts de tatouages que l’on voit à l’écran, perdant autant de sueur que de sang, poings levés et bave aux lèvres, ne sont pas des détenus de droit commun mais de respectables citoyens italiens, informaticiens ou avocats, passant tout de même un certain nombre d’heures chaque jour à soulever des objets en fonte. Et les pantalons dont ils sont affublés ne sont pas les instruments d’une humiliation imaginée par des matons cruels, mais des vêtements datant de la Renaissance, fièrement portés par nos gladiateurs des temps modernes. Car pour pouvoir frapper au poing ses adversaires en toute légalité quand on est un homme libre qui paye ses impôts et son crédit sur la Fiat Punto, il faut quand même avoir l’air ridicule, sinon c’est juste du rugby amateur.

Y’a péno

Au bout de 50 minutes de démonstration de virilité, et si cette fois-ci quelqu’un s’est donné la peine de compter les points, l’équipe qui a marqué le plus de buts est déclarée gagnante. Et comme on est en Italie, vainqueurs et perdants pleurent de concert en chantant des chansons d’amour. Une fois que les joueurs ont récupéré toutes leurs dents dans la poussière de l’arène, fiers de leur victoire ou déçus de leur défaite, ils vont étancher leur soif dans les bars de la capitale toscane en s’envoyant deux ou trois petits galopins de bière jusqu’à 23h-23h30. Et parce qu’on ne conduit pas après avoir bu, tout le monde part aux urgences en ambulance pour 48h d’observation (dans le meilleur des cas). Notez que le calcio ne se joue qu’une fois par an car le service des urgences du CHU de Florence a du mal à recruter des médecins.

Si vous ne connaissiez de Florence que le Titien et le Duomo, je vous invite à élargir votre horizon BIEN ETROIT en regardant Netflix et ce bel épisode de « Sports d’ailleurs ».

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