Duel Musique – Scott Walker VS Dexys Midnight Runners

Tout d’abord, quelques échantillons de Scott Walker (cliquez pour accéder à la playlist) :

 

Et le Too-Rye-Aye de Dexys Midnight Runners (mais leurs deux autres albums des années 80 méritent aussi un coup d’oreille) :

 

Trompette :

Scott Walker est unanimement reconnu comme un grand crooner (1m85 ou plus selon les sources). De cet héritage, ses premiers albums solo ont une orchestration classique. Si les cuivres n’y sont que rarement dominants, ils sont biens présents. Mais par la suite, influencé par la musique contemporaine, il délaissera quelque peu les instrumentations symphoniques classiques au profit de quintets de quartiers de viande ou du groupe de drone doom Sunn O))) (et oui, parce que je vous vois venir, le drone doom est un genre musical qui existe vraiment).

Dexys Midnight Runners est le représentant le plus connu du courant Northern Soul, ces Anglais des Midlands qui se prennent pour la Motown. Ainsi, de manière classique, aux côtés de l’omniprésent violon celtique, nous trouvons force saxos, trombones et trompettes, éléments essentiels à l’identité du groupe, à égalité avec les salopettes et la langue de pute de son leader, Kevin Rowland.

Vainqueur : Dexys, il suffit d’écouter Plan B/I’ll Show you pour s’en convaincre.

 

Bande originale de séries-cultes anglaises :

Le gros tube de Dexys, Come On Eileen est au centre d’un épisode de Spaced, la série du trio Edgar Wright-Simon Pegg-Nick Frost. Classe. Il faut dire que peu de morceaux symbolisent aussi parfaitement une soirée houblonnée du milieu des années 80 chez les prolos Anglais. Moins classe.

On retrouve Scott Walker dnas la bande originale d’Absolutely Fabulous, ce qui en fait d’office un challenger sérieux. Mais il s’agit de sa reprise en anglais de La Chanson de Jackie de Jacques Brel et non d’une composition originale. Le truc vraiment classe, c’est que dans cet épisode, elle est chantée par Patsy Stone. Et ça, c’est pas donné à tout le monde. Moi par exemple, Patsy ne m’a jamais chanté.

Vainqueur : Match nul. Patsy fucking Stone quand même.

 

Retraite artistique :

Après une production assez intense de 65 à 78, avec le Boys band The Walker Brothers, puis sans, puis de nouveau avec, Scott Walker disparaît corps et bien pendant 6 ans (soit à peu près pendant la brève période de gloire de Dexys), pour revenir en 84. Il mystifie alors le monde de la musique. Déjà parce que celui-ci le pensait mort, et ensuite par l’album en lui-même, Climate Of Hunter, d’une stupéfiante radicalité par rapport à ses précédents états de service. Tellement stupéfiant d’ailleurs que l’album est, sur ses premières années d’exploitation, le pire flop de l’histoire du label Virgin. Propre (c’est à la suite de ça que Richard Branson décida de se lancer dans la conquête spatiale, considérant qu’il était plus facile d’aller sur mars que de vendre du Scott Walker). Et c’est pas fini. Encore 10 ans de silence, puis c’est Tilt, encore plus radical, à côté duquel la précédente livraison à l’air d’un album de rock FM. Ces deux albums, ainsi que les suivants, ont non seulement consacré Scott Walker auprès des critiques, mais aussi dans les bacs à soldes de Gibert-Joseph.

Suite à l’échec commercial de leur 3° album, Dexys se sépare. Kevin Rowland part dans une carrière solo et sort vite un album, aux ventes encore décevantes. Suivent 11 ans de désert, avant la sortie de My Beauty en 1999. L’objet est d’une tristesse sans nom, consternant fans et critiques. Il faudra encore attendre 2012 et la reformation du groupe pour avoir de nouveau un disque un peu correct à se mettre sous la dent.

Vainqueur : Scott Walker l’emporte sur Rowland. Preuve s’il en fallait que la campagne écossaise est plus propice à une retraite productive que les boîtes de nuit de Brighton choisies par Rowland.

 

Si vous trouvez que cette couverture est d’un goût douteux, c’est que vous n’avez pas encore écouté l’album.

 

David Bowie-compatibilité :

Très haute en ce qui concerne Scott Walker. Bowie l’admirait au point de produire un long documentaire à la gloire de l’américain, de reprendre certaines de ses chansons, ainsi que l’une de ses ex.

Bowie appréciait également Dexys à leurs débuts, au point de les inviter à se produire en première partie de sa tournée européenne de 1983. Jusqu’à ce que Rowland craque lors du concert parisien et lance au public impatient un « Vous attendez Bowie. Mais savez-vous que Bowie c’est de la merde ? ». Tournée finie pour la bande à Rowland. Et un peu la carrière, aussi.

Vainqueur : Scott Walker. Rowland, c’est un peu ce mec qui à Mario Kart arrive sur la ligne d’arrivée largement en tête, et voulant se payer un dérapage super classe pour marquer le coup se viande comme une merde sur une pauvre peau de banane qu’il a lui-même posée au tour d’avant.

 

Inadéquation des troubles psychologiques avec une carrière de rock-star :

Rowland est paranoïaque. Rowland veut toujours avoir raison. Pour que les deux propositions soient vraies, il s’est débrouillé avec sa grande gueule pour se mettre effectivement tout le monde à dos. Sympa, mais pas si original dans l’histoire du rock. Chuck Berry ou Lou Reed faisaient déjà ça très bien des décennies avant, et en parvenant à encaisser suffisamment pour continuer leurs carrières.

Walker restera pour l’histoire cet homme qui voulait être pop-star mais se découvrira agoraphobe. Puis qui ayant arrêté les concerts à cause de cela, ne trouvera rien de mieux qu’enregistrer en studio avec un orchestre symphonique. Une telle constance dans le masochisme force l’admiration.

Vainqueur : Scott Walker. On saura apprécier le comportement proactif de Rowland, mais prime au comportement involontairement lemmingsien de l’américain.

 

VERDICT : VAINQUEUR : Scott Walker.

Une première phase qui relève de la variétoche, puis des albums de crooner qui dérivent peu à peu vers la musique drone, en passant par la new-wave (sur un demi album) et le hip-hop (pour une carrière-éclair de DJ de 1 chanson), le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec Walker, il y en a pour tout les goûts.

On retiendra quand même 3 beaux albums joyeux pour la bande à Rowland, dont le parfait Too-Rye-Ay, et une reformation réussie dans les années 2010. Bilan qui, si on y réfléchit mal, est finalement presque meilleur que celui des Pixies.

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