Joker de Todd Philipps (2019)
Notation :
Nihilisme : + + + +
Blagues sur les nains : – – – – –
Maquillage qui coule : – – – –
Ahahaha: + + + + + +
Héhéhéhé : – – – – –
Very dirty dancing ++++
De quoi ça parle :
C’est l’histoire d’un mec qui se dit « Si Julien Courbet et Mathieu Madenian ont réussi à faire du stand-up, pourquoi pas moi ? ».
Présenté comme ça, le raisonnement n’est pas idiot. Mais, en plus d’avoir un talent très limité, Arthur Fleck n’a malheureusement pas une vie facile et ses plans vont vite être contrariés. Abandonné par une société qui l’ignore et le maltraite, perdu dans un Gotham au bord de l’implosion et miné par les conflits entre les pro-Hanouna et les pro-Barthès, il va peu à peu céder à la folie jusqu’à devenir l’un des méchants les plus célèbres de l’histoire : Vincent Bollo… le Joker.
Quand t’as plus de post-it à la maison…
Points forts :
- Ça peut surprendre un peu quand on voit la filmographie de Todd Philipps jusqu’ici, mais c’est très bien réalisé. Il y a quelques belles idées et des plans cools qui rendent justice au côté très iconique du personnage. Bon… parfois on dirait qu’il force un peu pour faire le plus de scènes cultes possibles et fournir des fonds d’écrans stylés à la moitié des lycéens cinéphiles, mais on lui pardonne.
- L’atmosphère de Gotham est extrêmement bien restituée. Félicitations au directeur de la photo et aux personnes qui ont bossé sur la déco. C’est moche comme Limoges, pollué comme Rouen, sale comme Marseille et les gens ont l’air aussi aimables qu’à Paris. Un cocktail gagnant.
- Joaquin Phoenix s’est donné du mal, mais il va l’avoir son Oscar. En même temps qu’il joue des cinglés ou des rôles plus calmes, il est toujours parfait. L’ultime défi de sa carrière sera probablement d’essayer d’être crédible dans une pub qui vante les bienfaits d’un yaourt 0%.
- C’est sûrement le genre de film qui va rester dans un coin de votre tête un moment après l’avoir vu, ce qui est plutôt positif sachant qu’on avait tous oublié Suicide Squad ou Justice League avant même la première scène post-générique.
- Respect à Todd Philipps (qui possède probablement des gros dossiers sur les dirigeants de la Warner) car il semble avoir réussi à aller au bout de son idée sans que ces derniers ne viennent tout faire foirer en exigeant des reshoots, une typo avec des lettres en fluo sur l’affiche et des petites blagounettes au milieu pour être plus en phase avec une cible « famille ».
- Vous allez adorer si vous êtes de gauche et que vous aimez casser des vitrines et des têtes de policiers. On sait déjà quel nouveau poster va accrocher Juan Branco dans sa chambre, juste à côté de ceux de Fight Club et Rage Against The Machine.
- Le tuto maquillage « Make-up de fête ! » du Joker sur Youtube.
La tête que tu fais en vrai quand tu réponds « ahaha » par SMS à quelqu’un.
Points faibles :
- Entre les avants-premières, les projections presse et tous les gens qui se sont précipités le Jour-J, on a l’impression d’être les derniers à voir ce film. Résultat : il y a déjà eu cinquante discussions/décryptages/analyses sur chaque scène et on est bien emmerdés pour trouver des trucs originaux à ajouter.
- Ça aurait été encore mieux si le héros s’était appelé Jean-Eudes et avait été complètement étranger au monde de Batman. Non seulement ça n’aurait pas changé l’histoire mais il y aurait même eu deux avantages : ça aurait éviter le parti pris discutable de vouloir imaginer une back-story à ce personnage, et le réalisateur nous aurait épargné les scènes un peu foireuses qui raccrochent le personnage à la vie de Batman (notamment -SPOILER – la scène du meurtre des parents qui ne semblait pas forcément nécessaire).
- Le Joker est censé être un génie du crime, un fin psychologue qui a toujours un temps d’avance, qui terrorise même la mafia et qui réussit très souvent à échapper au meilleur détective du monde. Bon, bah dans le film il est incapable d’aligner deux phrases sans bégayer et il est aussi impulsif et cohérent qu’un enfant de 5 ans. Même avec une bonne formation continue, ça parait mal embarqué pour lui pour la suite et ça fait un peu de la peine.
- Heureusement, il n’est pas prévu que le Joker du film soit intégré à un film Batman dans le futur. On dit « Heureusement » dans le sens où Arthur Fleck a bien l’air d’avoir 40 piges, que Bruce Wayne en a 10 dans le film, qu’il lui en faut encore bien 15 pour devenir le super-héros dont Gotham a besoin, et qu’on imagine donc pas trop Batman se faire emmerder par un Joker en pré-retraite dans une suite.
- Si vous êtes un peu fatigués des rôles « performance » (Leo DiCaprio et Christian Bale, on pense à vous) vous allez peut-être rester insensible au numéro de Joaquin Phoenix, qui coche toutes les cases (perte de poids spectaculaire / rôle de pauvre qui vit dans un appart moche / psychopathe rejeté par la vie).
- Au niveau de l’écriture, on n’est pas toujours non plus dans la subtilité, le misérabilisme-o-mètre explose tellement qu’on croirait que le film a été réalisé par un trio Ken Loach – Frères Dardenne.
- Est-ce qu’on peut tous se mettre d’accord pour arrêter de dire « Pour un film de super-héros, ça change !!! », sachant que le seul super-pouvoir qu’on aperçoit dans le film, c’est celui de Thomas Wayne qui réussit à rendre Emmanuel Macron super humble et sympa avec les pauvres en comparaison ?
- Ok le Joker est censé être très bizarre, mais était-ce bien nécessaire de le faire danser comme Christine and The Queens toutes les 20 minutes ?
Beaucoup craignaient que Joker donne de très mauvaises idées à certaines personnes fragiles et aux opinions douteuses. Finalement c’est encore pire que ce qu’on aurait pu imaginer.
Le saviez-vous :
- Entre Ça 2, Joker, et Les Municipaux, trop c’est trop !, la rentrée n’est pas folichonne pour nos amis les clowns.
- Le Joker français serait probablement né après que Yann Barthès se soit foutu de sa gueule dans Quotidien. Autant dire que ça peut arriver tous les trois jours.
- Après A beautiful day, Joaquin Phoenix semble motivé pour jouer dans tous les remakes officieux de Taxi Driver qui sortent au ciné.
Ce qu’il faut en retenir :
Si Gotham avait une sécurité sociale et le Joker une carte vitale, Batman se serait épargné bien des tracas.
Si vous avez aimé ce film, vous aimerez aussi :
The Master de Paul Thomas Anderson, si votre peau fait des réactions allergiques au maquillage.
Bitcher sur le canapé de Jimmy Fallon.
Ne pas dire « je t’aime » à votre maman.
Mark Hamill (qui rivalise d’ailleurs avec Joaquin Phoenix au niveau de la qualité du rire) qui lit des tweets de Donald Trump avec la voix du Joker.
The Rover de David Michôd, avec Guy Pëarce qui, lui, va au bout de ses idées et tire dans la tête d’un nain. Un film où l’on retrouve d’ailleurs Robert Pattinson, le futur Batmou.
Tout le monde le dit depuis trois jours mais on va le répéter : The King of Comedy de Martin Scorsese.
Globalement, les trois quart de la filmographie de Scorsese qui a bien inspiré ce film, en fait.
Joaquin Phoenix, en pleine lecture de Ciné Club Sandwich
Un des frères Farrelly est oscarisé avec Green Book, le scénariste de Scary Movies réalise la série Chernobyl, Todd Phillipps fait ce un Joker. Qu’est ce qui leur prend à tous ces gros déconneurs de devenir si sérieux? Bon, ça peut se comprendre. Quand le président du pays dans lequel tu vis te donne l’impression de te réveiller chaque jour dans la suite de Idiocracy certaines choses comme le racisme, la folie ou la menace nucléaire te donnent peut-être moins envie de te marrer.
C’est PARCE QU’ON PEUT PLUS RIEN DIRE et faire des comédies subversives de nos jours, dixit Todd Phillips lui-même.
Plus sérieusement, je pense qu’il faut pas sous-estimer le talent des gens capables de faire des films drôles, à mon avis c’est pas si simple. Enfin pour le coup, le scénario de Joker n’est pas d’une grande profondeur / complexité, le talent de l’acteur principal, l’ambiance, la musique et la jolie photo-qu’on-dirait-un-film-de-Scorsese-des-seventies fait beaucoup dans la réussite du film je pense.
« bitcher » vraiment? Et tu as été greenlighté pour parler ce sabir disruptivement globish?