Un de nous ment
Notation :
C’est l’heure du du-du-duel : – – – –
Men are trash : + + + + +
Combats dans la boue : + + +
Honneur capillaire : – – – – – –
De quoi ça parle ?
Fin du XIVème siècle, Normandie. Jean de Carrouges (Matt Damon) et Jacques Le Gris (Adam Driver) guerroient ensemble et nouent une certaine amitié en brisant des crânes ennemis. Mais à leur retour, Jacques Le Gris devient l’homme de confiance et le copain de partouze de leur supérieur hiérarchique, le comte Pierre d’Alençon (Ben Affleck).
Il se voit alors récompensé de plusieurs privilèges, acquis pour la plupart au détriment de Jean de Carrouges. La jalousie et leurs ambitions respectives attisent les tensions et brisent leur amitié. Le conflit atteint un point de non-retour lorsque Marguerite de Carrouges (Jodie Comer), femme de Jean, accuse Jacques Le Gris de l’avoir violée.
Pour obtenir justice, Jean de Carrouge demande à régler l’affaire lors d’un duel à mort, où Dieu décidera du vainqueur. Ce qui est un move risqué puisque si Jeannot se fait dérouiller, la pauvre Marguerite sera brûlée vive. Ce qui commencerait à faire beaucoup pour elle, qui à la base n’avait rien demandé et voulait juste lire des livres près de la cheminée.
Les points forts du film Le Dernier Duel :
– L’idée de structurer le récit en trois parties, avec l’histoire présentée du point de vue des trois personnages principaux chacun leur tour fonctionne bien. On peut ainsi s’amuser à comparer les versions et relever les légères variations dans les dialogues, les omissions volontaires, etc. Et ça montre bien l’hypocrisie chez les deux hommes, notamment chez Jean de Carrouges qui joue les grands féministes alors qu’il a surtout des problèmes d’égo à régler. Quelques siècles plus tard, on trouve d’ailleurs toujours ce genre de spécimens.
– Les acteurs sont globalement tous excellents. Mention à Jodie Comer (vue cette année dans un tout autre style avec Free Guy) et Matt Damon, qui partait pourtant avec un gros handicap de crédibilité à cause de sa coupe mulet.
– La violence des combats, notamment celui de la fin. Ça ne sautille pas partout avec grâce et élégance. C’est sale, brutal comme ça devait probablement l’être en réalité. Ridley Scott l’avait déjà bien fait dans Gladiator ou Kingdom of Heaven (pour le coup on aurait aimé qu’il le fasse moins dans Robin des Bois).
– Le travail de la photo et du décor pour montrer que la France profonde de l’époque était affreusement moche et moribonde est très réussi. Même si ça va faire bizarre aux Américains qui étaient restés bloqués sur Amélie Poulain.
– Le film entre en résonance avec de nombreux sujets encore d’actualité : la libération de la parole des femmes, les agressions sexuelles au sein de l’église, les échafaudages partout autour de Notre-Dame…
– Adam Driver.
– Adam Driver dans la boue.
Les points faibles du film Le Dernier Duel :
– Il y a quelques longueurs, et même si on comprend l’idée de vouloir montrer la psychologie et les motivations des différents personnages, certaines scènes sont sans doute dispensables (surtout quand du coup on les voit trois fois, de trois points de vue différents).
– Ok, c’est censé se passer en Normandie et on connaît le climat local, mais il neige littéralement une scène sur deux. C’est un film d’histoire ou un film de Noël ?
– Les vidéos sans fin des Youtubeurs histoire qui vont nous expliquer qu’historiquement c’est n’importe quoi, qu’à l’époque les casques n’étaient pas vraiment comme ça et qu’en plus, il n’a pas neigé le 21 novembre 1384.
– Le personnage d’Adam Driver passe du côté obscur alors qu’il aurait pu se battre contre un Balrog et devenir Jacques Le Blanc.
Le saviez-vous ?
– Ce duel fût le dernier duel « judiciaire » en France. Et c’est bien dommage, tant on aimerait voir Nicolas Sarkozy et Jérôme Lavrilleux monter à cheval, tenir une lance et se battre jusqu’à ce ce que mort s’en suive pour savoir qui dit la vérité dans l’affaire Bygmalion.
– Un film peut être féministe sans passer le test de Bechdel.
– Dans le film, un membre du clergé dit pendant le procès qu’il est scientifiquement prouvé que « on ne peut pas tomber enceinte à la suite d’un viol ». Cette réplique a fait rire toute la salle, qui devait se dire qu’ils étaient quand même bien cons à l’époque. En réalité, c’est ce qu’a affirmé Todd Akin, un élu républicain du Missouri en 2012.
Les conditions idéales pour regarder ce film :
Une première fois, avec un casque à visière qui masque le côté gauche. Puis une deuxième fois avec un casque à visière du côté droit, pour être sûr de ne rien avoir raté d’important.
Ce qu’il faut en retenir :
Arrêtez de remettre en cause la parole des femmes dans les affaires de viol.
Si vous avez aimé Le Dernier Duel, vous aimerez aussi :
– Proposer à tous les masculinistes de se battre entre eux dans des duels similaires pour déterminer lequel est le plus viril.
– Avoir un petit château quelque part en Dordogne.
– Prétendre défendre les femmes et la justice quand vous voulez surtout protéger votre égo.
– Les Duellistes, premier film de Ridley Scott, sur deux français qui se battent aussi tout le temps en duel, mais cette fois 400 ans plus tard.
– Rashomon, d’Akira Kurosawa, qui utilise le même principe narratif. En plus c’est toujours classe de dire qu’on a vu un film de Kurosawa.
Une réflexion au sujet de « Ciné Club Sandwich – Le Dernier Duel »