Le jour où j’ai tué Fumerolle

 

Pour celles et ceux à qui ce titre bizarre n’évoque qu’une éventuelle vapoteuse haut de gamme, sachez que Fumerolle, c’est lui :

 

J’en connais un qui veut compenser la taille de quelque chose.

 

Sexy, n’est-ce pas ? Et encore, vous ne l’avez pas vu en colère. Ce chevalier est un boss optionnel du jeu vidéo Dark Souls 2, une licence réputée pour sa difficulté qui vous met aux commandes d’un personnage que vous façonnerez durant votre périple dans des donjons et autres grottes. 

Pour que vous compreniez bien de qui il s’agit, vous devez savoir que Fumerolle est l’un des rares personnages de jeux vidéo à être détenteur d’un record : celui du plus grand nombre de victoires sur les joueurs. Il git dans les sous-bassement d’une tour en ruines dans laquelle il espérait trouver refuge et puissance après avoir été banni de son royaume. En sommeil depuis des milliers d’années, il veille sur un trésor que vous souhaitez récupérer. Malheureusement, ce boss ne va pas juste vous battre, il va vous maraver. Humblement, je pense que Fumerolle et moi-même avons eu une relation assez particulière. Spoiler : il n’y a pas eu de bromance entre nous.

Rien qu’atteindre la salle dans laquelle il se trouve a déjà été une gageure (dans Dark Souls, absolument tout veut votre peau). Je me suis retrouvé dans une salle creusée à même la roche, totalement envahie par la glace, y compris les vestiges des colonnes, les armures brisées et les boucliers pétés. Au centre, une énorme épée fichée dans le sol est éclairée par de la lumière venant du plafond. Ma présence a réveillé Fumerolle qui émerge du sol dans un nuage de fumée noire… Il est une fois et demie plus grand que mon personnage. Il s’empare facilement de l’épée, alors même qu’il en tenait déjà une, tout aussi longue mais plus fine, dans son autre main. Et il m’a impitoyablement mis le tarif.

La toute première fois, je me suis littéralement déféqué dessus : « Oh, bordel, il va me défon… Ah beh, ça y est. » Il m’a éclaté en deux coups.

Il est doté d’une palette de coups très riche qu’il sait utiliser avec différentes variantes pour contrer, parer ou même harceler le joueur lorsqu’il cherche du répit. Et ça, c’est l’apéritif.

 

 

Le plat de résistance, c’est qu’après avoir pris quelques coups dans la gueule, il va s’énerver et laisser tomber l’épée la plus petite pour tenir son gros braquemart à deux mains, non s’en l’avoir enflammé au préalable. Cette phase est d’ailleurs communément appelée « Dark Fire Greatsword Berserk« . Super.

 

 

Je suis mort un nombre ahurissant de fois. J’ai utilisé tout un tas d’objets qu’on trouve dans le jeu pour augmenter la puissance de son personnage. Inutile. J’ai demandé de l’aide à d’autres joueurs. On s’est fait éclaté en groupe. J’ai cherché des combines, maté des tonnes de tutoriels, j’ai l’impression que tout le monde galère mais finit par le passer. Sauf moi. J’ai eu honte et je me suis senti nul.

J’ai finalement lâché. Je ne sais plus quand, mais à un moment, j’ai rendu les armes. La tête sous l’eau, j’ai regardé la surface s’éloigner, noyé sous un déluge de coups. J’ai rebroussé chemin et j’ai fini rapidement le jeu, sans y prendre aucun plaisir. Heureusement que vaincre Fumerolle n’est pas nécessaire. Les mois ont passé. Je m’y suis lentement remis, comme une sorte de rééducation, en parcourant une zone déjà explorée, en affrontant à nouveau un ennemi bien vicieux. Toutes ces étapes m’ont ramené devant lui… Fumerolle. On a repris notre petit jeu et j’ai compris ce qui n’allait pas. Jusqu’à présent, j’avais tué tous les boss du jeu plus ou moins grâce à la même technique : attendre la faille dans la routine et frapper. Fumerolle m’avait obligé à aller au contact, à être offensif.

Au cours d’une énième tentative, j’esquive mieux que d’habitude. Notre petit jeu se mue en un ballet, mortel pour celui des deux danseurs qui ratera un pas. Mon cœur se met à battre alors qu’il ne me reste presque plus de points de vie. Et soudain, la délivrance, je lui porte le coup de grâce, un coup de sabre porté à l’arrache, en pleine panique après une énième esquive ratée.

Il y a eu un flottement. J’ai dressé un poing victorieux pendant quatre ou cinq pleines secondes, à rugir de plaisir, dents serrés, lèvres retroussées et sueur aux tempes. De trouille, mon chat s’est planqué sous le canapé. 

L’adrénaline est redescendue aussi vite qu’elle est montée. J’ai remarqué que beaucoup de joueurs ont pris un pied monstre à souffrir face à ce boss pour savourer longuement leur victoire. Étrangement, la mienne n’a pas eu la moindre saveur.  Je suis ressorti de cet affrontement moulu, courbaturé. Le combat de trop. Le jeu m’a épuisé, amputé de toute l’énergie qu’il me restait. Les quelques quêtes inachevées le resteront parce qu’en abattant cet ennemi, il m’a emporté avec lui.

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