Alors qu’avec la pandémie, nous sommes presque tous obligés de faire du sport à la maison, Charles a voulu faire du sport à la montagne. Et comme il est trop flemmard pour marcher à la descente, il a dû expérimenter le ski de rando. Ses impressions.
Matériel requis et définitions :
- Une paire de skis de rando : littéralement une paire de ski. Avec 2kg de moins. Et 200€ de plus. Hautement appréciable lorsqu’il s’agit de monter les pentes. Beaucoup moins lorsqu’il s’agit de redescendre sur une neige un peu trop dure.
Synonymes : Lattes, planches, amplificateurs de vibrations
- Une paire de chaussures de ski de rando : une paire de chaussures de ski. Avec 500g de moins. Et 200€ de plus. Possèdent une position pour la montée permettant plier la cheville, ce qui les distingue du modèle « plâtre » utilisé en ski alpin. La chaussure de rando fait tout correctement mais rien parfaitement. Ainsi, le positionnement plus ou moins pertinent des crochets de serrage et des plaques de mousse du chausson vous permettra de découvrir l’anatomie de votre pied à travers l’expérimentation de douleurs inédites ainsi que l’inauguration d’emplacements incongrus pour vos ampoules.
Synonymes : pots de fleur, nids à ampoules
- Une paire de fixations de rando : des fixations de ski inspirées du mécanisme du Rubik’s cube. Avec 1kg de moins qu’une fixation alpine. Et 200€ de plus. Comportent généralement 3 positions pour la montée et une pour la descente. Le chaussage de fixations à ergots est un excellent test de sobriété après une soirée un peu trop intense.
Synonymes : fix, puzzle, enfer pour parkinsoniens
- Un leash : certaines fixations de rando ne possédant pas de stop-skis, un déchaussage à la descente peut entraîner des situations cocasses. Comme celle de voir votre ski vous dépasser pour atterrir 300m plus bas dans un ravin. Situation qui présente l’intérêt de varier les plaisirs en ajoutant une activité escalade à la sortie mais qui présente l’inconvénient du danger de mort (ou d’un coût supplémentaire de 700€ si vous avez su être raisonnable). Le leash permet d’éviter la perte d’un ski en le rattachant à votre chaussure. Inconvénient : il permet également de se prendre ledit ski dans la figure au moment de la chute.
Synonymes : antivol, pari statistique
- Des peaux : de phoque ou de chamois. Pour d’obscures raisons de préservation, elles sont désormais toutes synthétiques. La peau possède une partie adhésive qui se colle sous les skis (et à tout autre objet à proximité) et une partie glissante/antidérapante permettant de monter les pentes enneigées sans risque de partir en marche arrière sous l’effet de la gravité. La colle des peaux s’endommageant rapidement, il est important de les protéger de toute impureté et de les replier sur des filets plutôt que sur elles-mêmes.
Synonymes : papier tue-mouches, châtiment de Sisyphe
- Les couteaux ou les crampons : dans les pentes raides et glacées, l’ensemble peaux + carres de vos skis risque d’être insuffisant pour empêcher une glissade malencontreuse. Deux solutions s’offrent à vous :
Les couteaux se glissent entre le ski et la chaussure et permettent une adhérence suffisante dans la plupart des cas. Vous êtes alors partis pour quelques minutes de galère et de conversions sans fin (virages à angle aigu permettant de tracer de magnifiques zigzags à travers la pente. Et accessoirement de se décapsuler un genou à l’arrêt en cas d’erreur de réalisation).
Les crampons s’accrochent sous la chaussure. Vous êtes alors partis pour quelques minutes d’escalade et de souffrance, les skis attachés dans le dos.
Synonymes : trucs en métal qui accrochent, solutions de dernier recours
- Un pack DVA + Pelle + Sonde : matériel de sécurité. Prend toute la place dans votre sac. Ne sert jamais. Savoir s’en servir est également fortement conseillé. Selon la loi de Murphy, vous déclencherez une avalanche le jour où vous ne l’aurez pas pris.
Synonymes : porte bonheur, « La sécurité n’a pas de prix mais 400€ c’est cher quand même »
Etapes :
- Achat du matériel
- La montée
- La descente
Achat du matériel de ski de rando :
Le prix du matériel de ski de rando étant souvent prohibitif, plusieurs solutions s’offrent à vous :
- La location : Solution économique pour un randonneur débutant. Les magasins de sport proposent généralement quelques paires à louer à des prix plus ou moins raisonnables. Garder cependant en tête certains éléments :
- En période de Covid avec les remontées mécaniques fermées, prévoir une réservation 6 mois en avance avec dépôt de garantie à effet immédiat. La loi de l’offre et de la demande fait des ravages dans ce secteur.
Ou bien attendre le mois de Mars que les nouveaux débutants qui pensaient compenser le manque de ski alpin aient tous été dégoûtés de l’activité pour enfin se mettre à skier.
- Vous aller sûrement louer un montage avec fixation sur rail dont le poids est un tantinet supérieur à celui d’un ski de randonnée habituel. Attendez un peu avant de prévoir 2000m de dénivelé positif avec un sommet à 3000m…
- En période de Covid avec les remontées mécaniques fermées, prévoir une réservation 6 mois en avance avec dépôt de garantie à effet immédiat. La loi de l’offre et de la demande fait des ravages dans ce secteur.
- L’achat d’occasion : là aussi le capitalisme fait son chemin et vous pourriez trouver une paire vieille de 10 ans pour la somme modique de 700€ (fixations et peaux non comprises). Mais l’achat d’occasion reste le meilleur moyen de trouver du matériel correct à des prix raisonnables. Si vous savez ce que vous cherchez. Et que vous habitez un village montagnard en Savoie.
- L’achat neuf : Vous avez un PEL à vider ?
La montée :
Préparer son sac (et dans la mesure du possible l’itinéraire) la veille.
Remplir la place disponible d’eau et de snacks
Soupeser
Enlever quelques snacks
Soupeser
Se demander si l’eau, c’est nécessaire
Le jour même sortir le matériel
Constater que les peaux avaient été repliées sur elles-mêmes
Se maudire en pensant au futur réencollage
Tirer dessus pour les séparer
Poser les peaux
Recouvrir une carre
Recommencer l’opération
Recommencer l’opération
Placer correctement la peau
Passer au deuxième ski
Recouvrir une carre
Respirer profondément
Une fois les deux peaux posées, mettre les chaussures
Souffrir
Penser à la randonnée
Placer les chaussures et les fixations en mode montée
Chausser les skis
Effectuer le test DVA avec vos compagnons
Prier pour ne pas être celui sous l’avalanche en cas d’accident
Commencer la montée
Au bout de 200m, s’arrêter pour respirer
Constater que la journée sera longue
Penser à la descente
Commencer à prendre un rythme de croisière
Avoir trop chaud
S’arrêter pour enlever sa veste et l’attacher au sac
Reprendre la montée
Constater que vous avez perdu le rythme de croisière
Avoir trop froid
Se dire que vous vous réchaufferez avec l’effort
Sentir le vent se lever
Penser à la descente
Croiser le ski-club local qui a le droit d’utiliser les remontées pour ses entraînements
Si vous êtes du coin, ils vous connaissent. L’humiliation est double
Arriver devant une première difficulté
Réussir une première conversion
Se tourner vers ses compagnons, plein de fierté
Perdre l’équilibre
Se faire charrier tout au long de la montée
Admirer la vue
Constater que le sommet est encore beaucoup trop loin
Sentir des ampoules se former sur son talon
Proposer une pause snacks
Resserrer ses chaussures
Boire et manger par -5°C en plein vent
Reprendre la montée avec les doigts gelés et les chaussures trop serrées
Penser à la descente
Arriver devant le dernier mur/couloir
Commencer l’ascension
Perdre l’adhérence
Regretter de ne pas avoir mis les couteaux/crampons plus tôt
Chercher un endroit pour mettre lesdits couteaux
Le faire difficilement au pied d’une barre rocheuse en violant seulement 4 règles de sécurité
Finir l’ascension épuisé
S’écrouler dans la neige au sommet
Constater qu’il y avait un rocher affleurant
Respirer profondément
Penser à la descente
La descente
Après quelques photos pour prouver votre performance et un pique-nique rapide, potentiellement raccourci par le vent, vous y êtes enfin ! Prêt pour la descente !
Mettre son casque et sa veste
Dépeauter les skis
Essayer d’enlever une peau avec les gants
Echouer
Enlever les gants
Recommencer l’opération
Enlever une peau à moitié
Essayer de la coller proprement sur un filet
Prendre une rafale de vent
Echouer
Abandonner et coller les peaux sur elles-mêmes
Glisser les peaux sous sa veste
Constater qu’il est vraiment temps de faire un régime
Placer les fixations en mode descente
Remettre les gants
Chausser à l’avant et à l’arrière
Pousser sur les bâtons
Perdre l’équilibre
S’arrêter
Mettre les chaussures en mode descente
Faire quelques virages dans de la neige poudreuse
Constater que vos jambes n’ont pas encore récupéré de la montée
Faire quelques autres virages
Sentir un « requin » sous votre ski droit
Pleurer silencieusement en espérant que la réparation ne soit pas trop importante
Finir la descente sur une neige trop dure ou trop molle (selon la saison)
Vérifier votre ski
Admettre que le trou va nécessiter une réparation
Regarder l’heure
Constater que la descente a pris 15 minutes, arrêts compris
Penser aux 4 heures de montée
Dire que c’était vachement bien
Si vous avez aimé le ski de rando vous aimerez aussi…
- Le ski. (Parce qu’avant tout un skieur de randonnée est un freerider qui ne s’assume pas)
- Les œufs durs
- Les pâtes de fruit
- L’eau
- Par analogie avec les points précédents, les rations militaires (ou les repas en prison)
- Toute activité plus ou moins masochiste sous prétexte que « la nature, c’est beau ». De la randonnée au ski-alpinisme (sorte de marquis de Sade du ski de rando)